- oblitérer
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• v. 1512; lat. oblitterare1 ♦ Vieilli Effacer par une usure progressive. — Pronom. « Petit à petit, les délicates sculptures s'oblitèrent » (Gautier).♢ Fig. et littér. Souvenir oblitéré par le temps.2 ♦ (1782) Méd. Produire l'oblitération de (un conduit, une cavité).3 ♦ (1863) Cour. Oblitérer un timbre, l'annuler par l'apposition d'un cachet qui le rend impropre à servir une seconde fois. — P. p. adj. Timbre neuf et timbre oblitéré. Subst. Les oblitérés d'une collection de timbres.oblitérerv. tr.d1./d Litt. Effacer peu à peu. Le temps a oblitéré ces inscriptions.|| Fig. Supprimer. Son snobisme oblitère parfois son bon sens.d2./d Oblitérer un timbre, l'annuler par l'apposition d'un cachet.d3./d MED Boucher, obstruer (une cavité, un conduit).⇒OBLITÉRER, verbe trans.A. —1. Vieilli, rare. Effacer progressivement, notamment par l'usure. Le temps a oblitéré cette inscription, plusieurs mots dans ce manuscrit. La circulation des monnaies oblitère insensiblement les figures et les lettres qui y sont empreintes (Ac. 1835-1935).— P. ext.a) Vieilli, emploi passif. Disparaître progressivement en ne laissant subsister qu'un rudiment. Le tamanoir et le fourmilier à quatre doigts, ou tamandua, ont le pouce oblitéré. Il est aussi oblitéré, de même que le cinquième doigt, dans le paresseux tridactyle ou l'aï (CUVIER, Anat. comp., t.1, 1805, p.321).♦Emploi pronom. passif. Dans les paroxysmes de passion les organes s'oblitèrent ou se perfectionnent selon les constitutions (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.349).b) Abolir, affaiblir. Il n'est pas invraisemblable (...) qu'un éclat de la foudre l'ait renversé et ait produit une commotion cérébrale, qui oblitéra pour un temps le sens de la vue (Philos., Relig., 1957, p.34-3).2. Au fig. Affaiblir, diminuer, effacer, supprimer progressivement. Oblitérer le jugement, la virulence de qqn; souvenirs oblitérés par le temps. La peur violente qu'il a eue de perdre ses rentes lors de «nos désastres» lui a un peu oblitéré le sens critique (FLAUB., Corresp., 1878, p.127). L'attitude des touristes qui profanent les cathédrales d'Europe montre à quel point la vie moderne a oblitéré le sens religieux (CARREL, L'Homme, 1935, p.158):• 1. ... il aperçoit d'un endroit à l'autre de l'étendue de sa vision remuer d'une façon particulière une sorte de petits signes, assez peu marqués, translucides, à formes de bâtonnets, de virgules, peut-être d'autres signes de ponctuation, qui, sans lui cacher du tout le monde l'oblitèrent en quelque façon, s'y déplacent en surimpression...PONGE, Parti pris, 1942, p.69.— Emploi pronom. passif. Il y a un sens psychologique qui est le plus sujet de tous à s'engourdir, à s'oblitérer faute d'exercice, et qui n'est pas toujours disposé à s'exercer même dans les hommes réfléchis qui le cultivent le plus (MAINE DE BIRAN, Journal, 1817, p.20). Non seulement il ne se produit pas de nouveaux proverbes, mais les anciens s'oblitèrent peu à peu, perdent leur acception propre pour finir même par n'être plus entendus du tout (DURKHEIM, Division trav., 1893, p.145).B. —Boucher, obstruer (un orifice, un trou, une ouverture). Le tassement du Panthéon a oblitéré de cette façon, il y a un siècle, une partie des caves de la montagne Sainte-Geneviève (HUGO, Misér., t.2, 1862, p.550).— MÉD. Boucher, obstruer une cavité, un canal, un conduit. Oblitérer le canal médullaire, des vaisseaux. La cavité qui verse le sang ne venant s'ouvrir à l'extérieur que par un seul orifice, il suffit d'oblitérer cet orifice pour s'opposer à l'issue du sang (NÉLATON, Pathol. chir., t. 1, 1844, p.47). L'hémorragie diminue. Un caillot se forme dans la plaie. L'ouverture du vaisseau est oblitérée par de la fibrine. L'hémorragie s'arrête définitivement (CARREL, L'Homme, 1935, p.239).♦Emploi pronom. passif. Alvéole qui s'oblitère. Les derniers vaisseaux artériels ont commencé de s'oblitérer et de refuser le passage au sang (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p.230).C. —Apposer une marque sur un timbre-poste, de nos jours un cachet, afin qu'il ne puisse être utilisé une seconde fois. Il n'y avait aucune surcharge, le timbre était normalement oblitéré. Mon père avait donc reçu cette lettre rue de Fleurus (DUHAMEL, Jard. bêtes sauv., 1934, p.80):• 2. ... la carte postale porte un timbre de dix centimes. (...) je me dis aujourd'hui que, si chaque timbre avait été de cinq centimes, l'employé de la poste, au départ, les aurait oblitérés tous les deux; et que c'est, au contraire, dans le cas où l'affranchissement d'un des côtés aurait été déjà par lui-même suffisant, que l'autre timbre aurait pu lui échapper et n'être oblitéré qu'à l'arrivée...GIDE, Souv. Cour d'ass., 1913, p.626.— [P. ell. du compl.] Les machines électroniques à très grand rendement oblitèrent en effet à la cadence pratique de 40000 correspondances à l'heure (Admin. P. et T., 1964, p.20).— P. anal. [Le compl. d'obj. dir. désigne un ticket, un reçu, une vignette] Marquer d'une empreinte afin de rendre impropre à toute utilisation ultérieure. Les vignettes des médicaments délivrés sans prescription médicale devront être oblitérées par le pharmacien; l'achat de ces médicaments ne pourra être «régularisé» par une ordonnance ultérieure (Réforme Séc. soc., 1968, p.20):• 3. On me tasse sur la plate-forme, le receveur tira véhémentement sur une chasse de bruit et le véhicule repartit. Tout en découpant dans un carnet le nombre de tickets que l'homme à la petite boîte allait oblitérer sur son ventre, je me mis à inspecter mes voisins.QUENEAU, Exerc. style, 1947, p.98.REM. Oblitérant, -ante, part. prés. en emploi adj., méd. [En parlant d'une maladie] Qui se manifeste par l'occlusion des vaisseaux, des canaux. Thrombose oblitérante. Voici Leriche qui, dans les artérites oblitérantes, met en évidence l'action réflexe partie du tronc lésé et inhibe la circulation collatérable d'où dépend la nutrition du membre (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p.194).Prononc. et Orth.:[
], (il) oblitère [
]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. 1512 «effacer le souvenir de» (JEAN LEMAIRE DE BELGES, Illustr. ds OEuvres, éd. J. Stecher, I, 297); 1530 «faire disparaître progressivement» (PALSGR., p.458); id. «rendre illisible, incompréhensible» (ibid., p.740); 2. 1754 «atrophier, faire disparaître un organe» (DIDEROT, Pensées sur l'interprétation de la nature, n° 12, p.723); 1798 anat. part. passé vaisseau oblitéré «bouché, obstrué» (Ac.); 3. 1863 part. passé timbres oblitérés (Commiss. intern. des postes, p.123 ds LITTRÉ). Empr. au lat. oblitterare «effacer les lettres», «faire oublier, effacer du souvenir». Fréq. abs. littér.:35.
DÉR. Oblitérateur, -trice, adj. a) Méd. [En parlant d'un caillot] Qui bouche, obstrue un canal, un conduit. À l'autopsie, nous avons toujours trouvé de l'artérite oblitérante soit à la naissance de la carotide, soit au début du trajet de la carotide interne. On se doute qu'il ne peut s'agir d'instituer un traitement pour tenter la résolution du caillot oblitérateur (GARCIN, Guide vétér., 1944, p.195). b) Qui sert à marquer d'un cachet, d'une empreinte un timbre, un ticket, un reçu. Panoplie receveur d'autobus avec appareil oblitérateur (Catal. jouets (Louvre), 1936). — [], fém. [-
]. — 1res attest. 1857 méd. adj. caillots oblitérateurs (E. MONNERET, Traité de pathologie gén., II, 631 ds QUEM. DDL t.8); de oblitérer, suff. -(at)eur2.
BBG. —GOHIN 1903, p.345, 365. — QUEM. DDL t. 3, 8 (s.v. oblitérant).oblitérer [ɔbliteʀe] v. tr. [CONJUG. céder.]ÉTYM. 1512, in D. D. L.; lat. oblitterare.❖1 (1530). Rare, vieilli. Effacer par une usure progressive. || « La circulation des monnaies oblitère insensiblement les figures et les lettres qui y sont empreintes » (Académie). ⇒ User. — Pron. (sens passif). || Sculptures, guillochis (cit.) qui s'oblitèrent avec le temps.♦ Spécialt. Rendre illisible, incompréhensible. || Oblitérer un texte, le charger de ratures. — Plus courant au passif et au participe passé :1 (…) nous avons vu dans ces cahiers des passages oblitérés; c'étaient justement, ai-je besoin de le dire, les passages de liberté (…)Ch. Péguy, la République…, p. 112.1.1 La crue a bouleversé l'optique quotidienne, sans pourtant la dériver vers le fantastique; les objets ont été partiellement oblitérés, non déformés : le spectacle a été singulier mais raisonnable.R. Barthes, Mythologies, p. 61.♦ (1512). Fig. Supprimer, effacer. — Au p. p. || Images, souvenirs oblitérés par le temps.2 Quand la membrane nasale est irritée par un violent coryza (…) le goût est entièrement oblitéré; on ne trouve aucune saveur à ce qu'on avale, et cependant la langue reste dans son état naturel.A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, t. I, p. 55.3 (Il) accomplit ce prodige de dépasser toutes les audaces d'investigation ou de conjecture, sans oblitérer en lui la soumission filiale à l'autorité souveraine de l'Église.Léon Bloy, le Désespéré, p. 37.2 (1872). Méd. Produire l'oblitération de (un conduit). ⇒ Boucher, obstruer. — Au p. p. || Artère oblitérée.♦ Par anal. || Oblitérer une cavité.4 Des nids d'hirondelles oblitéraient le faîte des cheminées et les angles des fenêtres (…)Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, I.3 (1863). Cour. || Oblitérer un timbre, l'annuler par l'apposition d'un cachet qui le rend impropre à servir une seconde fois. — Au p. p. || Timbres neufs et oblitérés d'une collection. || Timbre pré-oblitéré. — N. m. || Un oblitéré. || Les oblitérés d'une collection de timbres.5 Cette lettre a été classée par le destinataire, l'enveloppe non ouverte. Toutefois le timbre, n'ayant pas été oblitéré par la poste, a été détaché par M. Costals.Montherlant, les Lépreuses, I, XI.——————oblitéré, ée p. p. adj.♦ → ci-dessus.❖CONTR. Aviver. — Béant.DÉR. Oblitérant. — (Du même rad.) Oblitérateur, oblitération.
Encyclopédie Universelle. 2012.